jeudi 9 octobre 2014

Comment un ancien résistant devient raciste

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Qui fut Roger NOLS?


Par Paul Delforge de l'Institut Jules Destré
                         

Nols est né à  Tilleur le 19 juillet 1922, et décède à Dinant le 12 mars 2004


Arrêté par les Allemands à Tilleur et incarcéré à la Citadelle de Liège du 25 novembre au 28 décembre 1941, Roger Nols obtient après guerre le statut de prisonnier politique. 

Engagé comme aide-cuisinier à l’hôtel de Suède à Liège (20 octobre 1942), lieu partagé par l’occupant et l’administration communale de Liège, Roger Nols pourra aussi prouver, après la guerre, avoir subtilisé des documents allemands (lettres adressées à la FeldGendarmerie contenant des dénonciations) qu’il a fournis au commissaire de la Sûreté de l’Etat, Simonis. 

Ainsi, ne lui sera-t-il pas reproché d’avoir travaillé pour l’ennemi. Cependant, l’Etat ne lui accordera pas le statut de réfractaire qu’il réclamait en raison d’un 2e internement, à Etterbeek cette fois, du 31 juillet 1944 au 6 août 1944, après une arrestation à Bruxelles.

Diplômé de l’École d’hôtellerie provinciale, Roger Nols est d’abord cuisinier puis développe des activités commerciales dans le secteur de l’hôtellerie à Liège et à Bruxelles. 

Administrateur de sociétés, il quitte la Cité ardente et s’installe à Schaerbeek où il se lance dans la politique, après avoir milité au sein du Mouvement wallon.
Membre de la fédération bruxelloise de Wallonie libre, Roger Nols fait aussi partie de la section bruxelloise du Mouvement libéral wallon. 

Très vite, celle-ci s’oppose à la section de Liège qui reproche aux Bruxellois leur méthode de propagande et d’entraîner la section de Bruxelles dans un sens spécialement axé sur les intérêts des Bruxellois francophones. 

Rapidement, au Mouvement libéral wallon de Bruxelles se substitue un Mouvement libéral francophone auquel Roger Nols adhère. 

En 1964, la section bruxelloise du MLW est dissoute tandis que le MLF s’engage à soutenir le FDF naissant. En 1966, Nols rejoint le nouveau conseil général du Mouvement libéral wallon mais, depuis 1964, il s’est largement engagé sur le terrain politique.

Membre du Bloc de la Liberté linguistique, ce libéral, ancien résistant, entame une lutte en faveur de la défense des francophones. Conseiller communal libéral suppléant (1958), il fait campagne en faveur de la liberté linguistique et est élu avec plus de 4.000 voix de préférence aux élections communales d’octobre 1964. 

Peu soutenu par le PLP qui lui refuse un mandat d’échevin, il quitte le parti d’Omer Vanaudenhove pour rejoindre le FDF naissant. Membre du comité directeur du FDF, il siège comme conseiller communal de Schaerbeek (1964), devient bourgmestre en 1970 et est élu député de l’arrondissement de Bruxelles en 1971 (avec 8.500 voix de préférence), mandat qu’il exerce jusqu’en 1987. 

Roger Nols défend l’idée de solidarité Wallonie - Bruxelles - périphérie bruxelloise ; toutes doivent être solidaires face à la communauté flamande outrecuidante : c’est l’ensemble des francophones qui doivent lutter contre l’arbitraire, exiger la consultation des populations concernées, disait-il à propos de Bruxelles et des Fourons pour lesquels il prend part à une collecte à Bruxelles (1973).

Membre de la Ligue wallonne de l’Agglomération de Bruxelles (1974), élu au Conseil de l’Agglomération, le bourgmestre de la « Cité des ânes » est alors au centre de l’affaire dite des guichets de Schaerbeek. Sur proposition de son échevin de l’État civil, il fait adopter par le collège échevinal une mesure visant à créer un guichet séparé pour tous les services, aux habitants flamands, francophones et « étrangers » de la commune. 

Cette initiative lui vaut l’envoi par le gouvernement national d’un commissaire spécial pour y mettre un terme. Le gouvernement Tindemans, auquel participe le Rassemblement wallon, parti fédéré au FDF, est divisé sur la question. Les mesures prises à l’encontre de Roger Nols susciteront des réactions nettement contrastées au sein du Mouvement wallon entre partisans, opposants et indifférents à la question. 

À cette époque, Roger Nols manifeste aussi son opposition aux Marches flamandes sur Bruxelles et est l’un des initiateurs de l’un des tout premiers conseils consultatifs des immigrés.

Hier l’homme des guichets, Roger Nols devient au cours des années quatre-vingt l’homme de la politique musclée à l’égard des immigrés. L’orientation politique de Roger Nols change radicalement de cap. 

Ses positions gênent le FDF, en particulier son aile gauche représentée par Serge Moureaux. 

En septembre 1981, le collège échevinal de Schaerbeek refuse, à l’initiative de son bourgmestre, l’inscription des étrangers dans le registre spécial de la population, pour des motifs d’ordre, de tranquillité publique et de sécurité dans les rues, de propreté publique et d’hygiène publique. 

Cette décision est ensuite annulée par l’exécutif bruxellois dépendant du gouvernement fédéral, mais, dans les faits, l’inscription des immigrés dans le registre continue d’être entravée. 

Le 21 décembre 1981, Roger Nols est le seul élu FDF à octroyer sa confiance au gouvernement Martens V. Lorsqu’en 1982, le FDF décide d’imposer une discipline de parti à des députés lors du débat sur l’octroi de pouvoirs spéciaux au gouvernement Martens V, le bouillant député-bourgmestre décide de s’abstenir. 

Le 21 janvier, le FDF le « sanctionne » par un blâme. Aux élections communales d’octobre 1982, Roger Nols, par ailleurs vice-président du FDF, se présente sur la liste N.O.L.S. (Nouvelles Orientations des Libertés schaerbeekoises), liste dont sont exclus les éléments progressistes du FDF ; la liste emporte 51,52% des suffrages ainsi que 30 sièges sur les 47 mis en jeu (Nols récolte plus de 25.000 voix de préférence). 

C’est l’époque des « couvre-feu pendant les périodes de Ramadan », la fermeture de certains lieux publics, le refus de paiement du minimex, etc.
Quelques mois plus tard, le nouveau président du FDF, Lucien Outers, constate que Roger Nols ne fait plus partie de son parti… 

En avril 1983, le bourgmestre de Schaerbeek quitte le FDF et siège alors comme indépendant – au Parlement comme au Collège –, avant de retourner une nouvelle fois dans la famille libérale. 

Présent sur la liste du PRL lors des élections européennes du 17 juin 1984, il récolte 92.969 voix de préférence, soit le meilleur score en Wallonie et à Bruxelles derrière les 234.996 de José Happart. 

Il renonce pourtant à siéger au Parlement européen et son mandat échoit à Daniel Ducarme. 

En septembre 1984, il sollicite son adhésion au PRL, mais, au début du mois d’octobre, il suspend cette demande, après avoir accueilli dans sa commune, à la piscine du Neptunium, très médiatiquement, et sous les huées de manifestants, le président du Front National français, Jean-Marie Le Pen.

Lors des élections du 13 octobre 1985, il est à nouveau élu comme député indépendant, sur une liste PRL. 

Il siégera encore jusqu’en 1987. À nouveau bourgmestre au lendemain du scrutin communal de 1988, il démissionne en juin 1989 : il passe la main, pour deux ans, à Léon Weustenraad et ensuite, définitivement, à Francis Duriau, à la suite de problèmes cardiaques. 

Il reprend ses distances avec la fédération bruxelloise du Parti libéral et, aux élections régionales bruxelloises de 1999 notamment, se présente sur les listes du Front National, puis du FNB.

Paul Delforge




 Notes de Bruxellois surement

Au début de son mandat de bourgmestre en octobre 1970 et durant les trois années qui suivirent, Roger Nols fut, si pas un mandataire de gauche, du moins un élu progressiste.

En 1971, il entretenait de bons rapports avec le groupe anarchisant, formé de jeunes marxistes et d'autres proches de la Jeunesse ouvrière chrétienne de Schaerbeek.

Ce groupe informel au sein duquel l'on trouvait Alain Dewasseige, Christian Melis et autre Daniel Fastenakel, était soutenu par Jean Mathieu Lochten.

Avant de se transformer en "Bouillon de culture" les locaux du "Le Tigre", cédés par J.M Lochten, seront à la rue Josaphat au début des années 1970  le haut lieu de ralliement de tous ceux qui militeront contre l'agression urbanistique à l'américaine, du quartier Nord de Bruxelles.

 En 1971, à l'entame de son mandat, Roger Nols accédera à la demande de ce groupe pour concrétiser au Parc Josaphat, le projet "Parc fou".

Cette initiative visait à faire de ce grand parc, un lieu de rencontres entre artistes et créateurs schaerbeekois de l'époque. 

De plus, Roger Nols accédera aussi à la demande de Jo Dekmine, directeur du théâtre 140, visant la remise en état partiel du bâtiment des Halles de Schaerbeek.

En mars 1972, Nols qui entretenait de bons rapports avec le MRAX, installa en grandes pompes et en présence de nombreuses personnalités bruxelloises antiracistes, l'un des premiers conseils consultatif des Bruxellois n'ayant pas la nationalité belge (CCCI).

Etaient présents à cette manifestation, Madame Yvonne Jospa, présidente du MRAX et l'ensemble des membres du CA du mouvement, les membres du CLOTI (Comité de liaison des organisations des travailleurs immigrés ) qui initiera plus tard Objectif 82 et des représentants syndicaux CSC et FGTB issus de l'immigration.

Sous l'impulsion de Serge Moureaux, de Leon Defosset et de Lucien Outers, le FDF, parti de Nols, pour renforcer les rangs francophones à Bruxelles, avait fait de la création des CCCI, l'un de ses chevaux de bataille 

Comme on peut le constater, Nols ne changea de politique à l'encontre des immigrés qu'à partir de 1974, occupé qu'il était à s'opposer à la "flamandisation de Bruxelles".

Selon mon approche relative à ce virage Nolsiste, le changement intervenu dans la politique "immigrée" de Roger Nols fut motivé par l'offensive permanente  de l'Organisation des travailleurs arabes de France, dont une forte délégation s'était installée fin 1973, à Schaerbeek pour organiser des manifestations quasi hebdomadaires visant la régularisation des Sans papiers.

Une grève de la faim de travailleurs clandestins, organisée à l'Eglise scherbeekoise Saints Jean et Nicolas de la rue du Brabant avait ameuté à Schaerbeek, le ban et l'arrière ban de tout ce que Bruxelles comptait à cette époque comme groupuscules anarchisants et communistes de la capitale.

L'exacerbation de la colère de Roger Nols face à ces manifestations à répétition qui se disloquaient quasi toujours devant l'hôtel de ville schaerbeekois et mobilisaient un nombre non négligeable de la police de cette commune, fut pour beaucoup, dans la modification de l'attitude du bourgmestre Nols, 

Avant ces événements et dès 1973, les ex partenaires de Roger Nols dans le projet du Parc fou, reprochaient au bourgmestre sa molesse face aux appétits spéculatifs des promoteurs immobiliers qui avaient jeté leur dévolu sur le quartier nord bruxellois, pour grande partie, situé sur la commune de Schaerbeek.

La mise en route par ce groupe d'une revue hebdomadaire intitulée Agence schaerbeekoise d'informations (ASI), dont l'essentiel des articles attaquaient Nols sur sa politique, jugée  timorée face à l'expansion urbanistique de ce quartier nord, conduit au clash entre Dewasseige-Melis et consorts d'une part et Roger Nols d'autre part.



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