lundi 6 octobre 2014

Saint Josse ten noode: trois "républiques, trois despotes"



1- Un despote progressiste et éclairé

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La première république de Saint Josse, celle de l'immédiat après guerre, fut initiée en 1953,  par feu Guy Cudell. 

Après à peine 7 années passées au sein du Collège du bourgmestre André Saint Rémy, Cudell s'empare du maïorat de Saint Josse, pour ne le lâcher, à son corps défendant, qu'à la veille de sa mort survenue en 1999.

Agonisant dans  son lit, à l'hôpital Erasme, Cudell, à qui j'avais rendu visite avec deux anciens membres du PS de  Saint Josse, dira d'une voix plutôt calme, en regardant Mouzon dans les yeux, comme pour lui léguer un héritage: "Moi vivant, Demannez ne sera jamais bourgmestre".

C'est qu'entre les deux hommes, le père et son fils adoptif, était née une haine quasi meurtrière. 

Une haine née de la promesse faite par Cudell à Demannez, au lendemain des élections de 1982

"Je te céderai la place en 1988', avait dit Cudell, devant témoins.

Il ne tint pas sa parole, convaincu qu'il était - ses amis le renseignaient à ce sujet- que celui qu'il appelait affectueusement Jean, complotait contre lui et était en train de constituer un clan au sein de la section PS de Saint Josse

Ce qui n'était pas entièrement faux, puisque en juin 1984, durant les dix jours de l'enlèvement de Guy Cudell, celui qui l'avait remplacé à la tête de la commune, en l'occurrence Demannez, avait en présence de nombreux édiles communaux, souhaité sous forme de boutade, que "ce serait dommage que le vieux revienne".

Ce fut rapporté à Cudell, dès sa rocambolesque "évasion" dont les circonstances demeurent à ce jour, peu claires.

Cudell qui au fil du temps, considéra l'hôtel communal comme sa propriété et ses administrés comme ses sujets, était un progressiste, mais paradoxalement n'avait rien d'un démocrate.

Par progressiste, j'entends ses engagements tiers mondistes résolus, ses actes concrets en faveur de l'émancipation des femmes, - il fut le premier bourgmestre à avoir engagé des femmes au sein du corps de police à Saint Josse-, son ouverture sincère à la multiculturalité et à la lutte contre le racisme -

Avant d'obtenir, pour le franc symbolique, les locaux qu'il occupe à la rue de la Poste, le MRAX, vit le jour au sein de l'hôtel communal de Saint Josse

Adorant par dessus tout s'occuper de l'instruction publique et de la jeunesse, Cudell répétait à l'envi, aux parents immigrés, lors des délivrances des diplômes et autres certificats de réussite de fin d'année scolaire:

"Vos enfants sont nos enfants"

Le combat de positionnement entre lui et Demannez pour le contrôle du PS ten noodois et la succession, finit au début des années 1980, par prendre des proportions d'une gravité telle que deux Ligues ouvrières (deux PS) se combattaient sans se faire de cadeaux.

La division du parti en deux clans antagonistes, et c'est un euphémisme, poussa Cudell à protéger ses arrières en s'approchant très fort du PSC local dirigé par feu Hubert Dradin. 

Acculé un moment, après les élections de 1988, Cudell ouvrit sa majorité à certaines personnalités xénophobes de Saint Josse, comme Brunninkx ou Wauters.

Peu respectueux des règles devant régir le fonctionnement de l'administration, Cudell n'hésitait pas à bafouer la légalité, en soumettant à sa volonté, tant le receveur communal que le secrétaire de la commune, qu'il obligeait à exécuter, avant les décisions du collège, ses propres options.

Même la police communale n'était pas toujours épargnée par ses interventions.

Pétri de contradictions, Cudell qui sentait parfois, une exaspération de la population belge de souche, face à ses ouvertures en faveur des étrangers de sa commune, n'hésitait pas à réunir les seuls autochtones pour leur avouer que lui, n y est pour rien si la Belgique a fait appel aux immigrés.

Dans ce même rayon lié à des concessions faites à son électorat belgo belge, Cudell, pragmatique, n'hésitait pas à prendre des mesures contraires aux convictions qu'il affichait en public, comme lorsqu'il appliqua la loi Gol limitant l'inscription des étrangers détenteurs de la carte d'un an, ou quand il limita l'accès de ces mêmes étrangers aux logements communaux.   

Mais Monsieur Cudell, comme aimaient à l'appeler ses administrés était un homme d'une immense humanité. Son bureau qu'il ne quittait que pour arpenter les rues de  "sa" commune, était en permanence ouvert à la population.

Il aimait la foule et se sentait comme un poisson dans l'eau au milieu des ten noodois

Autant il adorait écouter ceux qui venaient le voir, autant il s'efforçait de résoudre leurs problèmes individuels.

Il pouvait parfois piquer des colères qui restèrent dans les annales des archives communales, comme lorsqu'il s'énerva un jour contre Demannez, durant une réunion houleuse de la section de la Ligue ouvrière de Saint Josse en s'écriant: " C'est moi qui t'ai fait, tu n'étais rien, sans moi"

Il y avait beaucoup de vrai  dans ce que dit Cudell à cette occasion

On était en plein tragédie Freudienne.

Terminant par une expression qu'il affectionnait, en dirigeant son index vers son postérieur " Tu es con comme la lune" (La lune en cette circonstance, avait la forme du derrière du maïeur vers lequel, en position courbée, l'index de Cudell était pointé)

Cudell était un homme de grande culture. Il se battit pour installer le Centre culturel le Botanique sur le territoire de Saint Josse.

Quand il n'avait pas le temps d'assister à une pièce de théâtre au Théâtre National, qu'il avait accueilli à la Place Rogier, il me téléphonait pour me refiler quelques billets pour la représentation du jour.

Il aidait des troupes théâtrales à venir à Saint Josse, comme le Théâtre de la Vie ou le Public. 

Il adorait encourager les jeunes de la commune à fréquenter les académies communales d'art.

Impérialement imbu de sa personne, il tenait à ce que son nom, de son vivant, figure sur certains lieux de la commune

Avec sa mort, la première république impériale, disparaîtra pour laisser place à la République "affairiste", celle  de  Jean Demannez  (Procahain article)



1 commentaire:

  1. 15 ans après sa mort on parle toujours de lui dans la commune. Beaucoup disent qu'il devrait se retourner dans sa tombe s'il voyait ce que ses successeurs ont fait de cette commune, surtout en matière de jeunesse et instruction.

    "personnalités xénophobes de Saint Josse, comme Brunninkx ou Wauters" Wauters, le vendeur de valises xénophobe (je me souviendrai toujours des regards haineux et menaçants qu'il lançait à travers sa vitrine lorsqu'il voyait passer cette nouvelle population dans la chaussée de Louvain). Le comble est que son magasin est devenu un des meilleurs snacks turcs de Saint-Josse. Quant à Christian Bruyninckx on ne l'entend plus et le voit plus depuis les Bleus aux communales : http://tractotheque.blogspot.be/2012/09/saint-josse-2012-christian-bruyninckx.html

    Les xénophobes et racistes il y en a de moins en moins dans notre commune, on en croise encore quelques-unes dans des réunions de quartier se plaignant de l'augmentation du nombre de mosquées, de snacks et de night shops. J'avais assisté à 2/3 de ces réunions et ce fut une expérience très "marquante".

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